Le fer forgé: Les Maîtres du Feu

 

 

 

 

 

Les Maîtres du Feu

La connaissance de la métallurgie est une étape importante dans l’histoire des sociétés. Les premières traces écrites faisant mention du mot «fer» datent d’environ 1800 ans avant JC. Grâce aux grecs puis aux romains l’usage du fer va se libéraliser et les premières corporations de métalliers, forgerons et ferronniers sont bientôt reconnues partout en Europe et autour de la méditerranée.

Très malléable, le fer peut être modelé sans avoir à le faire fondre, mais il subit d’importantes altérations au contact de l’eau et des acides. C’est pour cette raison sans doute, que subsistent peu d’objets anciens façonnés en fer alors qu’on en trouve une grande quantité en or, en argent ou en cuivre.

Dans la région de Demnate (environ 160 kms de Ouarzazate) on peut trouver des hauts fourneaux qui remontent à la préhistoire. Au Maroc, le travail sur métal est une spécialité depuis le XIV° siècle. Les fondeurs, autrefois juifs sont aujourd’hui musulmans.

Dans la tradition africaine, le travail du métal par le feu était considéré comme oeuvre de sorciers. Les hommes en contact avec ces éléments étaient à la fois craints et légèrement méprisés.

C’est loin d’être le cas de nos hadada ou forgerons dont l’utilité fait force de loi jusque dans les campagnes les plus reculées pour fabriquer socs de charrue, pelles, pioches mais aussi harnachements pour mules et chevaux, énormes clous, pentures de portes ou heurtoirs.

Plusieurs corporations sont réparties par catégories. Les Chbabkyas fabriquent les grilles, les Znaïdiyas sont armuriers, les Jaïbiyas créent les canons de fusil tandis que les Qfaïliyas sont serruriers et les Rkaïbiyas équipent les cavaliers.

Traditionnellement, l’architecture de l’habitat marocain est tournée vers l’intérieur des maisons et le rôle protecteur des grilles n’y a pas sa raison d’être. On trouve donc ce genre de décors plus particulièrement dans les villes fortement imprégnées de culture portugaise ou espagnole, comme El Jadida ou Essaouira. Influencé par la tradition andalouse, le travail des grilles s’est généralisé aux grandes villes où il prend la place du «moucharabieh» ou bois tourné.

Les artisans ferronniers sont très prisés pour leurs créations dont la richesse et la diversité prouvent leur imagination. Autrefois, leur adresse s’exprimait plus particulièrement dans la fabrication d’ingénieux verrous et loquets. Pour l’exécution d’une grille, la soudure est rarement utilisée. L’armature principale est faite de barres en fer rond engagées verticalement dans d’autres barres de même calibre, préalablement trouées. Les décors sont fixés par des ligatures en fer plat ou rond de moindre épaisseur et les motifs sont en gros fil de fer rond.

Les forges sont installées dans d’étroites boutiques équipées d’un four, d’un soufflet double et d’une enclume. Certains éléments paraissent avoir une signification magique.

Dans la vie quotidienne, le mobilier en fer forgé tient une place certaine et si les lampes à huile ont disparu des foyers citadins, les braseros à brochettes sont incontournables et toutes les familles en sont équipées.

La création des pièces de ferronnerie fait appel à deux méthodes principales:

– Le moulage comprend la fabrication d’un moule, en argile de Casablanca ou Marrakech. Une manipulation longue et minutieuse passe par la préparation de contre moules remplis de terre puis l’assemblage des deux parties soudées par des joints de boue. Le métal en fusion est versé dans une ouverture réservée. Lorsque le moule est légèrement refroidi, l’objet est sorti de sa gangue de terre et les apprentis entament le travail de limage et polissage.
– Le façonnage consiste à mettre en forme par repoussage ou martelage des feuilles, barres ou filets de métal. On peut alors dire que le fer est « battu ».

L’avenue Mohamed El Qory était autrefois entièrement réservée aux ferronniers et marchands de charbon. La rue retentissait alors de la musique produite par les mââlems et leurs apprentis en pleine action.

Installé au 123, Mohamed est le dernier d’une grande lignée de forgerons d’Essaouira. Son père était connu comme l’un des plus grands artisans dans la profession. Il raconte l’époque où les grands maîtres ferronniers quittaient tous les jours la ville à 16h, en procession sur leurs mules, pour aller se promener dans la forêt jusqu’à la fermeture des portes de la cité. Artiste passionné, il s’est tourné depuis six ans vers la fabrication de sculptures d’animaux en objets de récupération! Vaches, mouches, souris, danseurs sont l’expression d’une grande sensibilité. Ses voisins ont vite copié la mode lancée par Mohamed qui, poète à ses heures fait partie d’un club de jeunes écrivains de Rabat.

Il reste très peu de forges dans la médina. La plupart des ateliers sont dans la nouvelle ville au quartier industriel. Des fortes mains sortent aussi bien de délicates lampes, que des portails monumentaux. Le dur métier des ferronniers leur donne la satisfaction de créer des pièces uniques, non usinées. Si dans les boutiques, beaucoup d’articles viennent de Marrakech et Fès, où ils sont produits en grande quantité, les « Hadada » d’Essaouira ont encore du métal sur le feu, et toute l’inspiration nécessaire pour agrémenter nos intérieurs.

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